Si les chevaux semblent savoir des choses sur nous comme par exemple ou nous avons mal, qu'en est-il de ce que nous pensons savoir sur eux, sur leur bien-être ou sur leur souffrance?
En hippothérapie ou équithérapie traditionnelle, les chevaux sont utilisés comme véhicules pour porter ou tracter, ce qui contribue à répandre une conception judéo-chrétienne selon laquelle les humains ont le droit d’utiliser d’autres créatures pour leurs propres besoins : « Genèse, Bible 1.28 Dieu les bénit (les humains), et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. ».
Et il n'y a pas que les judéo-chrétiens...
L’ère de la domination prédatrice colonialiste est révolue. Alors que l’humanité s’apprête à redémarrer un an zéro selon les saisons cosmiques des calendriers Maya, nous sommes nombreux à aspirer à un monde meilleur. En résonance avec ce mouvement nous développons de nouvelles approches que nous souhaitons plus respectueuses, plus douces. De ce point de vue la thérapie, le soin, la guérison de l’humain ne peut pas se faire si un des participants y est forcé, encore moins s’il y est forcé par des moyens douloureux et d'autant plus s’il souffre durant la séance.
Kamali et
Thérèse
Si j’ai le moindre doute que je pourrais faire mal à un cheval je ne peux plus continuer! J’ai enlevé mes œillères et me suis intéressée aux études que les cavaliers (dont je faisais partie) préfèrent ne pas lire. Au début c'était difficile, très difficile! Si vraiment c'est si mauvais pour les chevaux on le saurait! Et pourtant...
Le problème est que nous le savons depuis longtemps, tout comme nous savons que fumer nuit à la santé, que la vitesse tue, que la malbouffe rend obèse et que la télé rend imbécile... J'ai arrêté de fumer, ralenti en voiture, suis devenue quasi-végétarienne et j'ai jeté la télé.
Puis j'ai ouvert mes oreilles écouté les chuchotements des chevaux. J'ai ouvert les yeux et regardé les chevaux. J'ai essayé de comprendre leur langue
non verbale, leurs codes, les signaux qu'ils m'envoyaient et que je ne captais pas ou si peu. Aujourd'hui j'ai l'impression que leur souffrance me hurle à la figure.
Parlons de la sensibilité de la bouche du cheval et prenons le simple exemple des poneys montés dans les clubs par les enfants...
Ou l’exemple du cavalier western avec un mors à levier
Ou les joueurs de polo ...
Ou parlons de l’extrême sensibilité émotionnelle des chevaux et prenons l’exemple de personnes handicapées en séance d’équithérapie et le stress des chevaux... Parlons de l’inquiétude à fleur de peau du cheval face à ce qu’il ne connait pas et l’exemple des chevaux qui partent pour une ballade ou en concours ou qu'on emmène faire du sport ou des jeux... Tous ces exemples sont considérés comme la norme et ne choquent personne.
J'étais persuadée que les chevaux aimaient les ballades, qu'ils aimaient être montés par moi (leur cavalière préférée), qu'ils aimaient se défouler, courir, sauter, les reprises de dressage. Je pensais que la vie en box avec tout le confort associé, la litière profonde, les couvertures bien chaudes, la protection des fers, les repas de granulés était une vie privilégiée pour eux ... J'avais tout gobé.
Comment ai-je fait pour ne pas "voir" toutes ces années??? Les boxes sont des cages et les chevaux sont immobilisés derrière des barreaux (les Haras Nationaux parlent bien de détenir des équidés). La couverture empêche la thermorégulation et cause les problèmes respiratoires, pileux & cutanés... La nourriture concentrée est pour le cheval une bombe calorique. Les licols, brides et tout ce qui va sur sa tête lui cause ces chocs cranio-sacraux à répétition.
Le fer mérite un chapitre à lui tout seul, celui qu'on leur met aux pieds et celui qu'on leur met dans la bouche, je ne sais même pas si je parlerai des
éperons. Les fers atrophient le pied et sont la cause de la plupart des maux des chevaux, y compris leur mort prématurée de 15 à 20 ans, la
longévité naturelle d'un cheval étant autour de 40 ans. Les mors sont le moyen de coercition le plus efficace, celui qui leur cause la douleur la plus vive. En voici un joli, avec un
"crève-palais" au milieu.
En bref, le cheval est totalement chosifié, depuis les bandes roses assorties aux froufrous des petites filles jusqu'à tout cequi se transmet au nom de
la tradition équestre au sens noble, c'est un tissu de mensonges qui permet de perpétuer l'abus au profit de l'humain, même les poulains sont des produits. Et comme dirait une amie, ce n'est pas
parce qu'ils sont nombreux à le penser qu'ils ont raison.
Les conditions de vie des équidés sont déterminantes pour leur santé et leur bien-être à tous les niveaux, plus particulièrement encore dans le travail de thérapie car les chevaux détenus dans des cages et nourris aux concentrés réagissent très différemment au contact humain, que les chevaux (même apprivoisés) vivant dans des conditions appropriées à leur espèce. Les chevaux détenus et utilisés selon les décisions unilatérales de l’humain, à l’instar de son mode de vie technologique dénaturé, pour son unique profit, plaisir ou bénéfice personnel, ces chevaux là sont des prisonniers aux travaux forcés. A mon avis un prisonnier vivant dans des conditions carcérales n’est pas dans un état émotionnel suffisamment harmonieux, ni épanoui pour lui permettre de participer à un soin dans une visée holistique.
L’activité imposée à la plupart des chevaux de sport ou de loisirs a des conséquences. Un cheval monté plus de 12 minutes subit des pressions douloureuses a tous les niveaux du dos, des muscles, du squelette etc. qui ne lui permettent pas d’être dans un état de santé et donc de confort physique suffisant pour être disponible à des personnes en quête de bien-être. Tout le monde sait que porter un poids est possible un certain temps, puis devient inconfortable. Si en plus le poids est excessif par rapport à la masse corporelle et de surcroit sanglé à un endroit fixe...
Je vous propose d'imaginer une rando à pied en montagne, un sac à dos de bonne qualité et bien rembourré sur votre dos. Imaginons que vous pesez 60 kg et le poids total du sac ferait 10 kg, c'est à dire 17% de votre poids. Pour vraiment jouer le jeu il faut aussi imaginer que le sac soit sanglé bien serré et qu'il ne change absolument pas de place pentant toute la durée de la rando. Pendant les pauses il ne faudra pas l'enlever (vous pourriez croire que la rando est terminée)... vous me suivez?
Malheureusement quand il y a de l’argent en jeu, comme c’est le cas avec les pensions de chevaux, les activités équestres, la maréchalerie etc. le profit prime sur le bien-être de l'équidé et les théories & pratiques qui ont le vent dans le dos sont celles qui rapportent, pour n’en citer qu’une : « le fer, un mal nécessaire »… un cheval ferré est comparable à une chinoise aux pieds bandés ; plus il est ferré jeune plus les pathologies du pied sont importantes, plus il est ferré longtemps plus le pied s’atrophie et moins les fonctions vitales liées aux pieds fonctionnent…
Ceci est une thermographie des jambes d'un cheval dont seulement l'antérieur droit est ferré...
Exemple extrême, ceci est une radio
d'un cheval sur lequel a été pratiqué le "soring" qui se traduit littéralement par endolorir. C'est le sort des Tennesse Walkers pour qu'ils lèvent les jambes plus haut.
Depuis que j’ai pris conscience des conséquences de l’équitation sur le bien-être et la santé des chevaux je n’arrive plus à les monter. En lisant des études en anglais sur les capteurs de pression, j’ai pris conscience de choses qui ne m’ont même pas effleuré pendant plus de trente ans, à savoir qu’une selle sanglée et un cavalier de 65 kg dessus génèrent des pressions d’à peu près 50 kg par centimètre carré sur le dos du cheval à l'endroit de la selle (sans rentrer dans les détails). La sensation serait comparable à celle que nous avons quand nous avons croisé les jambes trop longtemps et que nous les décroisons… Imaginons la sensation après une journée entière, comme c'est le cas des chevaux de rando!!!
Ceci sont deux thermographies de dos de chevaux
Celui de gauche est monté régulièrement, celui de droite pas monté.
Si tout thérapeute traverse des moments de vie difficile et que même dans ces moments là il y a à travailler, je ne conçois pas un travail de thérapie ou de développement personnel avec un collègue, assistant ou facilitateur, même inter-espèces, qui serait dans un état de souffrance durable, encore moins si c’est moi qui la lui inflige.
Je ne peux plus faire comme si je ne savais pas.
Suite au prochain épisode...
Dominique Cuyvers
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Photos internet
Photo Kamali et Thérèse par Christine Tisserand
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